La tirade du fou
Manque de nicotine, les dix doigts décharnés,
La clozapine à flot, le cerveau enfumé,
Paré d’un pyjama et d’une large couche,
Les sombres attributs d’une personne très louche,
Le fou, que l’on enferme, à qui l’on fou des fers
N’est autre qu’un enfant, que l’on pousse en enfer,
Soi-disant pas sensé, transi et séquestré,
Les sombres attributs d’une personne violée.
Des sachants, sans courage, adeptes du chantage,
Veulent nous persuader, de maladies sans âges,
Que la pathologie dont nous sommes détenteurs
Est l’unique raison de nos plus grands malheurs
Comment voulez-vous donc combattre une maladie
Quand le seul remède n’est d’autre que l’infamie
D’enfermer les gens.
Quand vient le moment de sonner leur alarme
L’absence de réponse tel un torrent de larmes
Et pour dernière arme, une vision dissidente
Exutoire pour la rage de nos voix dissonantes
Portes scellées, fatalisme, une seule complainte,
Du fond de mes entrailles ébranler les contraintes
La tirade du fou, une rengaine nouvelle
Qui parleras de nous, et de manière pêle-mêle :
Le fou dit :
Combien de journées vais-je encore croupir ?
Combien de cachets vais-je encore vomir ?
Ouvrez-moi donc la porte de cette maudite geôle !
Défoncez tous les murs de cette horrible taule !
Le fou dit :
Combien de violences vais-je encore subir ?
Combien de personnes doivent encore mourir ?
Ouvrez dès à présent la porte du combat !
Ouvrons ensemble les portes de notre désarroi !
Le fou dit :
Dépassons seulement le sentiment de honte
Décrassons cruellement ce que les psys racontent
Vilipender en vers les véreux psychiatres
Vénérer ma folie comme une pièce de théâtre
Le fou rit. »