Mad Pride Brest

Le samedi octobre s’est tenue la première Mas Pride de Brest, une Mad Pride autonome en coordination avec celles de Paris, Montpellier, Lyon et Bordeaux.

Manifeste Mad Pride Brest


C’est avec fierté que nous vous appelons à nous rejoindre pour la première Mad Pride de Brest qui se tiendra le 11 octobre 2025. Notre volonté est de créer un événement qui rassemble, dans une convergence des luttes, au-delà des étiquettes, pour la reconnaissance de nos existences plurielles et la défense de nos droits à vivre tel·les que nous sommes.


Dépathologiser nos expériences
Nous refusons d’être réduit.es à des diagnostics, nous revendiquons notre droit à exister avec nos spécificités et à être pris·es en considération en tant qu’individus libres de nos choix. Chaque personne est unique, avec son expérience,  son vécu et ses traumatismes. La psychiatrie, bien souvent, nous stigmatise et nous condamne au lieu de nous apporter son aide. La pathologisation de nos expériences permet de ne pas regarder en face le mal engendré par un système défaillant, par des situations sociales, familiales ou professionnelles maltraitantes, toxiques et destructrices. Nous voulons que nos parcours de vie soient pris en compte dans la compréhension de ce que nous sommes et dans la reconnaissance de ce que nous avons traversé. Nous voulons être soutenu·es dans nos souffrances et accompagné·es dans notre rétablissement.


« Les dingues et les paumés jouent avec leurs manies
Dans leurs chambres blindées, leurs fleurs sont carnivores
Et quand leurs monstres crient trop près de la sortie
Ils accouchent des scorpions et pleurent des mandragores… »
 Les Dingues et les Paumés, Hubert Felix Thiefaine


Faire respecter nos droits
«Si c’est contraint, c’est pas du soin »… Nous demandons l’abandon de la culture de la contrainte et l’interdiction des traitement forcés. Il ne peut y avoir de soins sans consentement libre et éclairé.


L’article L1111-4 du code de la santé publique affirme que « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement […] Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité […] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »


L’isolement et la contention
sont des pratiques d’une extrême violence. Elles n’ont pas de validité thérapeutique, elles traumatisent
les personnes qui les subissent, leurs proches et les professionnel·les qui les mettent en œuvre. Elles représentent une cause de décès en psychiatrie. Leur utilisation doit absolument cesser.
Des alternatives existent et doivent être mise en œuvre au profit de l’abandon de ces méthodes barbares et délétères.
Nous revendiquons un changement de culture en matière de soin de santé mentale.


De nombreux professionnel·les de santé mentale restent opaques sur les diagnostics qui nous sont attribués et sur les effets des traitements qui nous sont prescrits et administrés. Nous exigeons une délivrance claire et loyale des informations qui nous concernent, afin de pouvoir exercer notre droit au choix libre et éclairé.


L’article L1111-2 du code de la santé publique affirme que « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »


Reprendre le pouvoir sur nos vies
Dans le système psychiatrique le pouvoir est détenu par les professionnel·les de santé de manière unilatérale. Il est grand temps de remettre les personnes concernées au centre des décisions. « Nothing about us without us » – « Rien à propos de nous sans nous ».
Nous demandons une participation active aux politiques publiques via une consultation des collectifs de personnes concernées et une représentation dans les instances décisionnelles.


Nous demandons à intervenir dans les cursus de formation des futurs travailleur·euses du sanitaire et du médico-social, pour faire part de nos savoirs expérienciels et co-construire une nouvelle vision du soin et de l’accompagnement.


A un niveau local, à Brest :
Le centre hospitalier de Bohars, établissement psychiatrique du CHU de Brest et principal représentant local de la psychiatrie publique, visité en 2020 par le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL), s’est vu formuler plus de 40 recommandations pour que cessent de toute urgence un grand nombre de pratiques « dégradantes » et « non respectueuses des droits fondamentaux ».
Rapport de visite du CGLPL :
https://www.cglpl.fr/publications/rapport-de-visite-du-centre-hospitalier-de-bohars-finistere
Si le centre hospitalier de Bohars a effectué certains aménagements majeurs (installation de sanitaires dans les chambres d’isolement et création de jardins sécurisés pour permettre aux patients, de sortir s’aérer et fumer après 20h00), des changements importants restent encore à réaliser. Nous demandons l’application formelle de l’ensemble des recommandations formulées par le GLPL.


Nous demandons à ce que les personnes actuellement soumises à des soins psychiatriques sans consentement dans le Finistère, leur famille ou toute personne susceptible d’agir dans leur intérêt, puissent réellement faire valoir leurs droits en saisissant la Commission Départementale des Soins Psychiatriques. (Art. L3211-3). Ceci implique que l’information soit rendue accessible et compréhensible (actuellement il est très difficile d’accéder aux informations concernant la CDSP du Finistère et les moyens de la saisir).


Nous demandons à ce que des représentant·es de personnes concernées/patient·es soient présent·es dans les instances organisationnelles et les commissions du pôle de psychiatrie du CHU de Brest, que ces personnes soient consultées et entendues dans les prises de décisions. Nous voulons occuper ces espaces en tant que personnes directement concernées par les décisions et par leur mise en œuvre.


Nous avons des droits, faisons entendre nos voix, affirmons nos choix !


« Soyons fous et soyons dignes, soyons nous et soyons libres…»
Retour à la terre, Keny Arkana

Discours

Anonyme – discours devant l’hôpital

Les soins sans consentement, l’isolement et la contention, ce sont non seulement des mots qui portent déjà une bonne part de violence , mais pour moi, c’est une réalité que j’ai dû vivre en tant que maman !

Je ne parlerai pas ici au nom de notre fils qui a subi ces « expériences » traumatisantes, c’est son histoire, elle lui appartient. Lui seul a les mots pour la dire, ou la chanter !

Nous, en tant que parents, avons dû signer ce que j’appelle ce « putain de papier » à trois reprises. A cette époque, je n’avais pas, nous n’ avions pas encore rencontré le « dialogue ouvert », nous étions dans la logique du soin classique, les médicaments et les hospitalisations. Nous ne savions pas grand chose.

Les mots qui me viennent, les sons et les images qui reviennent me ramènent au même mot « violence », au pluriel.
Les cris, les hurlements, le corps entravé par des liens, puis le corps et l’esprit entravés par les médocs. L’impossibilité d’être reçu par le psychiatre, la difficulté de communiquer avec les infirmiers. Le sentiment d’être pris dans une nasse. La culpabilité intense, la colère, l’impuissance. Comment aider notre fils à sortir de là ? Comment l’aider ?

Nous avions demandé de l’aide auprès des soignants, en confiance, et avoir cela en réponse, ça a été tellement douloureux.
Je ne veux pas que vous vous mépreniez, la souffrance de notre fils était, elle, bien plus intense et insupportable. Et j’avais le sentiment de l’abandonner et que c’était ma signature qui l’avait enfermé.

Je me souviens d’un séjour en hiver où il n’avait le droit ni à ses chaussures, ni à son manteau pour les pauses clopes. Ses pieds s’en souviennent encore…

je me souviens de cette peur qui suintait des murs, j’avais l’impression, mon corps le ressentait, que tout le monde avait peur de tout le monde. Les patients avaient peur des soignants, les soignants des patients, les familles avaient peur des soignants, et les soignants des familles.
Je hais les pyjamas bleus !

Nous avons eu la chance de rencontrer une psychologue et un jeune psychiatre dont la vision de l’accompagnement était tout autre. J’ai découvert l’ approche open dialogue qui nous a ouvert des portes. L’espoir est revenu.

Depuis ces rencontres, il n’y a plus eu d’hospitalisation !

Alex – discours devant l’hôpital

Je vous ai vu déambuler en habits bleu passé

Errer dans les allées en pyjama râpé

Le dos courbé, la tête baissée, en petits pas, dans vos pantoufles de papier.

Je vous ai vu en impatientes, en contractures,  en sialorrhée, je vous ai vu trembler dans vos corps neuroleptisés, 

Les membres raidis, le corps meurtri, le regard gris…

Et mon cœur s’est serré

Je vous ai vu enfermés, privés de vos vêtements, de vos chaussures, de vos objets et de votre dignité.

Je vous ai entendu crier, taper, hurler

Je vous ai vu attachés, rabaissés, humiliés, par des soignants désaffectés…

Et mon cœur s’est soulevé 

J’ai vu vos âmes brisées et vos corps abimés, battus, violés, séquestrés, torturés.

J’ai vu vos drames banalisés, vos traumatismes discrédités.

J’ai vu vos larmes résister, perler, couler, et même dégouliner…

Et mon cœur a saigné 

Je vous ai vu en silence et en agitation, tenter l’acceptation ou bien la rébellion.

Je vous ai vu chevaux fou, en agneaux, transformés, quand la docilité conditionne la liberté…

Et mon cœur s’est révolté 

Je vous ai vu rabroués dans vos élans d’humanité, rappelés à l’ordre et aux règles, recadrés.

Je vous ai vu lutter ou bien capituler.

Je vous ai vu fumer, 

attendre, 

Fumer et puis attendre 

Et puis attendre… 

Je vous ai vu fuguer puis revenir, entre deux infirmiers, accepter la sentence d’une mise à l’isolement, d’un retour au pyjama,

Fier de votre escapade et de la grâce accordée par quelques heures de liberté…

Et mon cœur s’est emballé 

Pourtant paraît qu’la psychiatrie ça aide des gens. C’est vrai que ça brise souvent, ça traumatise, ça réactive, ça laisse des traces et des séquelles, ça fait des réminiscences encore, et même parfois ça tue. C’est vrai des fois les gens ils meurent là-bas, ils ressortent les deux pieds devant. Mais paraît que des fois quand-même, « ça sauve des vies ». .. c’est ce qu’on m’a dit. J’sais pas moi, moi je parle de c’que j’ai vu. 

Je vous ai vu zombifiés, coquilles vides, morts dedans. Je vous ai vu scarifiés, mutilés ou suicidés, entre leurs murs si sécurisés.

Je vous ai vu mourir attaché, de sédatifs overdosés. J’les ai vu banaliser, minimiser, réinventer la vérité, faire un consensus de leur putain d’realité. 

J’ai vu vos droits bafoués, j’ai vu l’impunité, j’ai vu la toute puissance. Avec les lois, et toutes les recommandations de bonnes pratiques, leurs cul torchés. J’ai vu l’impunité. J’ai vu l’impunité et mon esprit… a vrillé.

Et des fois faut qu’j’me retienne de dire tout ça, faut qu’j’me taise parce-que les gens c’est dur pour eux, parce-que la vérité ça fait mal aux oreilles et aux yeux. Alors des fois j’serre les dents, j’garde dedans, j’me r’tiens d’tout dire, tout déballer, tout vomir, le dégoût, la colère et la rage. Mais tends-moi l’oreille et j’te raconterai tout ça, toutes les horreurs qu’j’ai vues là-bas, comment j’en suis traumatisée, comment mon cœur………… a éclaté…

Marion discours devant le CPAM

Bonjour à toutes et à tous.
Je tiens d’abord à remercier l’Espas Dezordr, et tout particulièrement Alex et Jules, de m’avoir
permis de témoigner aujourd’hui.
Donc moi c’est Marion.
Depuis ma naissance, je vis avec deux pieds bots… et des malformations congénitales des mains.

Enfant, cela a façonné ma vie.
À l’école, dans les jeux, dans les gestes du quotidien… chaque chose simple pour les autres pouvait
devenir un défi pour moi.
Adolescente, ce handicap a pris une autre dimension. J’ai commencé à ressentir un décalage
permanent.
Entre ce que je voulais faire… et ce que je pouvais réellement faire.
Entre l’image que je voulais donner… et la réalité de mes capacités physiques.
C’est ce qu’on appelle une dissonance cognitive.
Un conflit intérieur.
Un combat invisible… mais épuisant.

Ces dissonances m’ont lentement conduite vers ce que j’appelle… mon désert.
Un désert de souffrance, de solitude, et de fuite.
J’ai sombré dans la dépression.
Dans l’alcool.
Dans la drogue.
Jusqu’à envisager… et même tenter, d’en finir.
Parce que parfois… on pense que c’est la seule issue.

Début 2021, j’étais arrivée au bout de mes forces.
Épuisée mentalement.
Épuisée physiquement.
Mon corps ne suivait plus : j’avais pris beaucoup de poids, je ne me reconnaissais plus.
Et au moment où j’ai envisagé d’en finir, un dernier sursaut de vie s’est manifesté.
Dans ce souffle, j’ai choisi de demander de l’aide.

J’ai poussé la porte du CMP de Saint-Renan.
Et là, j’ai été accueillie, écoutée, prise en charge humainement et médicalement.
Je veux vraiment leur rendre hommage ici, parce qu’à ce moment-là, ils m’ont permis de tenir
debout.
Grâce à eux, j’ai intégré un programme d’Éducation Thérapeutique du Patient, intitulé “De la
dépression à la guérison”.
Et ce parcours m’a réellement aidée.
Il m’a donné de l’énergie et un peu d’estime de moi. C’est même suite à ça que j’ai pu écrire mon
livre “J’ai enfin accepté d’être une handicapée”.
Mais avec le recul, je vois bien que quelque chose ne fonctionnait pas.
Rien que le titre “De la dépression à la guérison” portait une promesse trompeuse.
Car on ne guérit pas de la dépression comme on guérit d’une grippe.
La dépression fait partie de soi.
Elle ne disparaît pas.
On apprend à l’accueillir, à la reconnaître, à vivre avec.
Elle s’intègre en nous, comme une composante de notre histoire.

Et ce n’est que tout récemment, avec l’association Dialogue Ouvert Finistère, lors d’un atelier de
pratique dialogique, que j’ai enfin compris cela.
J’ai compris que je n’avais pas à supprimer ce qui me faisait souffrir.
Que mes parts sombres… faisaient partie de moi.
Parfois c’est la lumière qui domine.
Parfois c’est l’ombre.
Et c’est ok.
Je les accueille. Je les reconnais. J’en suis fière.

À partir de ce jour-là, je n’ai plus cherché à « guérir » de moi-même.
J’ai commencé à m’accepter.
À m’accueillir telle que je suis physiquement et mentalement.
Avec mes failles, mes blessures, mes fragilités…
Mais aussi avec ma force, ma résilience, et ma capacité à transformer.
Aujourd’hui, je réduis petit à petit la posologie de mes médicaments.
Ce que j’ai, c’est la parole, l’écoute et le lien avec mon corps.
J’ai aussi la fierté de marcher avec toutes mes parts.
Je fais ce choix en toute conscience : même si je dois traverser des périodes difficiles, je préfère les
vivre pleinement, avec les idées claires, plutôt que de les fuir.
Les personnes qui m’entourent connaissent mes fragilités.
Mon mari, en particulier, est mon garde-fou.
Il est là pour me soutenir, me rappeler mes limites et m’aider à rester alignée avec mes choix.

Je suis ici pour témoigner.
Demander de l’aide… ce n’est pas un échec.
C’est un acte de courage.
Accueillir ses ombres… ce n’est pas renoncer à sa vie.
C’est au contraire… choisir de la vivre pleinement.

Et si aujourd’hui, mon témoignage permet à une seule personne parmi vous…
De gagner un peu de temps.
De s’autoriser à demander de l’aide.
Ou simplement… de se réconcilier avec elle-même.
Alors… j’aurai atteint mon objectif.

Parce que l’acceptation de soi n’est pas une résignation.
C’est une libération.
C’est la première marche… vers une vie pleinement vécue.

Merci.

Pascale – discours devant l CPAM

Bonjour,
Je suis Pascale j’ai 62ans, je vais vous parler un peu de ma vie.

J’ai commencé les drogues dures par injection à l’âge de 20ans !
Anxieuse, dépressive je cherchais à calmer mon mal être avec ces drogues,

et ce jusqu’à l’âge de 40ans.
À 32ans j’ai commencé un programme de substitution avec toujours des consommations multiples, j’avais aussi antidépresseurs, anxolitiques, somnifères divers et variés. L’armoire à pharmacie était bien remplie et je gobais ça comme des bonbons.

À 56ans donc en 2019 j’ai repris le pouvoir sur mon mal-être, j’ai pris la décision d’en finir avec cette substitution et tous ces médocs que je prenais.

Ça n’a pas été simple et j’ai eu la chance d’être accompagné par une psychiatre addicto remarquable au csapa de Morlaix.
Depuis 2021 j’en ai fini avec tous ces traitements !

Aujourd’hui je ne prend plus rien.

Vous savez… les toxicos ne sont pas que des toxicos !!
C’est avant tout un humain qui souffre !!
Qui à mal à sa vie.

J’ai commencé à travailler à 58ans, j’accompagne des personnes vers leur rétablissement.

J’ai de bons espoirs car depuis peu il a fallu que je m’inscrive à France travail en temps que médiatrice de santé paire et là ils commencent à se questionner sur leurs accompagnements.

Il reste beaucoup à faire c’est certain, tant qu’au suivi addicto, cure, post cure et réduction des risques liés aux consommations.

Il y’a des choses à changer sur la façon d’accompagner !!
Et c’est à nous de les guider sur ce que nous voulons !!

Merci de m’avoir écouté.